Le passage en Chine est assez rapide. Les visas sont vite vérifiés et on peut noter la qualité de service du fonctionnaire en charge grâce à un petit boîtier avec des petits boutons qui sourient ou qui ne sont pas contents.
En revanche, l’étape bagages est plus laborieuse. Ils sont passés au scan et l’officier ouvre et inspecte tous nos sacs. Nous devons tout sortir car il cherche quelque chose de bien particulier. Il fait des aller-retour entre son scan et nos sacs jusqu’à ce qu’il localise notre Lonely Planet Chine. Une fois trouvé, il le confisque. Taiwan y est décrite comme une nation indépendante de la Chine et ça, ça ne passe pas ! Confisqué, fini, circulez !
Le problème pour nous, c’est que sans le LP (que nous n’apprécions pas outre mesure), nous sommes perdus. Personne ne comprend ce que nous disons, nous sommes incapables de lire les idéogrammes donc pas moyen de se déplacer, de communiquer, etc.
Virginie se plante devant le stand pour parlementer mais le gars ne parle pas anglais et l’évite soigneusement du regard, s’occupant des autres migrants. Virginie ne désarme pas. J’accoste une fille qui parle anglais et lui demande comment nous pouvons récupérer le guide mais elle ne souhaite pas que le douanier nous voie parler ensemble. J’essaie de lui dire la ville où nous voulons aller et elle ne me comprend pas; ça commence bien. Elle m’informe que nous pourrons acheter une autre version du guide à Kunming (mais comment aller jusqu'à Kunming?!) mais elle ne peut pas faire plus. Au bout de 20 minutes, le douanier appelle finalement un douanier plus jeune qui parle un peu anglais. Nous lui expliquons que nous avons besoin du minimum, pour nous déplacer, qu’il nous faut pouvoir montrer les idéogrammes adéquats. Il consent à nous laisser déchirer la partie concernant le Yunnan pour que nous puissions commencer le voyage. Le reste, il le garde. Pas méchant, mais juste obligé d’appliquer les ordres. Désolé pour le guide papa, peut-être que je te ramènerai la version chinoise !
Sur cette mini-victoire, nous nous dirigeons vers la gare routière. Elle est vide. Il y a un grand panneau avec les horaires de départs.
Nous, c’est facile, on veut aller à Jianshui (prononcez « Tchen - Cheui »), c’est « petite harpe et étoile qui marche ». On peut la voir en bas du tableau et on peut aussi voir que le dernier bus est parti à 7h15. La frontière ouvre à 7h00 au Vietnam, soit 8h00 en Chine avec le décalage horaire, donc on ne pouvait pas l’avoir. Là il est 9h15 et il n’y a nulle part où aller.
Un gars parlant anglais nous demande ce qu’on préfère: « passer la nuit ici à Hekou ou prendre un bus privé qui nous arrêtera à Gejiu, sur la route? ». Le tarif, ça va être 2 fois le prix du billet normal pour un trajet moitié moins grand. C’est d’accord? "C’est-ce que je pensais".
Nous voilà donc assis dans un bus minable, à attendre que celui-ci se remplisse assez pour que le chauffeur veuille bien partir.
Finalement, il va se remplir de légumes, de tapis, de locaux qui fument (comme il y a 25 ans en France, ça fait un drôle de retour en arrière) et qui crachent par terre en se raclant bien la gorge (et en évitant les légumes).
Le bus part finalement, sous la pluie. La route suit le fleuve rouge pendant un long moment et elle est vraiment difficile. Sur le bord, c’est bananiers et hévéas.
Un petit poste de contrôle pour faire une pause et nos passeports sont observés, enregistrés minutieusement. On retarde le bus là!
La route s’améliore car nous arrivons sur une grande double-voies. Elle monte et bientôt il fait vraiment froid. Nous prenons notre déjeuner (un paquet de biscuits LU achetés au Vietnam). Lorsque la brume s’écarte, on peut voir de belles rizières.
Notre voisin qui s’ennuie transforme son téléphone en boite de nuit. Le son n’est pas très bon ou bien c’est la musique d’origine, pas facile à dire.
Au bout de 4 heures, nous passons les grandes industries chimio-métallurgiques de Gejiu (ils font aussi dans l’étain je crois) et arrivons dans le centre ville: des avenues plus larges que les Champs Elysées bordées de bâtiments d’habitations staliniens, vides pour la plupart. C’est beau la perspective en architecture. Il faut croire que les habitants locaux n’ont pas de goût et n’en veulent pas.
Le chauffeur nous arrête devant la station de bus et nous désincarcérons les sacs (ce serait bête de se tromper et de partir avec un sac de citrons verts) avant de descendre sous la pluie.
Nous repérons vite la petite harpe et l’étoile qui marche et nous dirigeons vers le guichet mais un chinois veut nous aider et nous demande où nous allons. Virginie tente un « Tchen - Cheui » et il nous emmène vers un autre guichet. Pour être sûrs, nous sortons ce qui reste du guide et montrons l’idéogramme. Il rigole et se ravise, nous emmenant vers le premier guichet. Leçon: il ne faut pas parler, c’est trop dangereux ! Les gens sont très serviables, ils nous regardent en rigolant, très curieux de notre présence. En même temps, nous aussi on est surpris d’être à la gare routière de Gejiu !
Nous arrivons à prendre des tickets de bus pour un prix dérisoire et une fille file avec nos billets. Nous suivons avec les valises, passons les détecteurs et montons dans le bus. On dirait qu’il part dans 5 minutes donc c’est le moment d’aller rigoler en visitant les toilettes.
Une fille qui parle anglais me demande d’où on vient. Du Vietnam, enfin de France en fait. Chouette, c’est la première fois qu’elle voit des français ! Elle a de la chance, aujourd’hui, j’ai un beau nez rouge façon poivrot qui boit trop de vin (grâce à un bon gros rhume), cela fait vraiment typique !
Le bus part bientôt ! La roue tourne ; dans 2 heures nous serons à Jianshui, dans 3 heures dans un hôtel à regarder la pluie tomber !
Le reste du voyage se passe à peu près comme prévu. 2 heures plus tard nous arrivons à la gare de Jianshui et nous nous faisons conduire au centre ville en tuk-tuk, devant un hôtel mentionné par le guide. Comme il n’est pas génial, je pars faire les hôtels. Il y a bien les jardins de la famille Zhu, qui font aussi pension de luxe dans leur demeure ancestrale mais il ne reste que la suite et nous avons peu d’argent. En fait, nous n’avons pas assez d’argent pour nous payer un hôtel, manger et reprendre un billet de train. Le change que nous avons fait n’incluait pas l’arnaque de bus du matin. Et comme le guide indique que les banques locales ne prennent pas la visa, nous sommes coincés. Un petit air de déjà-vu quand même après Atacama et la Birmanie.
Je trouve quand même un hôtel qui a une suite vraiment tentante: 2 belles chambres avec des lits immenses, un beau salon avec de la place, bureau et tables pour faire l’école, le tout dans une maison traditionnelle super belle et relativement pas cher. En négociant avec la tenancière, elle passe un coup de téléphone et nous assure que si nous avons un problème d’argent, il y a une banque en ville qui prend la visa. Il ne va trop nous manquer le guide LP!
15 minute plus tard, je roule sur les Yuans et nous nous installons dans la suite à 30 euros pour effacer cette journée de fatigue.
En passant, nous avons pu constater que Jianshui est une ville magnifique, dont les maisons traditionnelles chinoises ont été conservées et restaurées. La visite va être agréable. Cerise sur le gâteau, peu de monde et des scooters électriques!