Lorsque nous quittons Queenstown après l’école, le 26 décembre, la pluie commence à tomber, comme prévue. Un avis de temps dangereux vient d’être publié. Des vents forts et des pluies torrentielles sont attendus par le Nord de Queenstown tandis qu’un front pluvieux très actif s’installe sur le Sud et les fjords. Nous fuyons donc un front pour aller en trouver un autre. Nous le savons, le trajet vers les fjords se fera sûrement sous la pluie.
Nous ne sommes pas déçus, la pluie tombe sans arrêt jusque Te Anau, porte d’entrée sur le pays des fjords. Après un bref arrêt en fin d’après-midi, nous décidons de nous avancer sur la route et de dormir plus proche de Milford Sound.
Nous roulons sous une pluie dense et arrivons sous une pluie encore plus dense. Nous sommes seuls sur le camping.
Après une journée de pluie intense et la cuisine du soir, le camping-car est tellement plein d'humidité qu’il pleut dans le camping-car. Des rigoles se forment au-dessus du lit des enfants. Les coussins et les draps sont trempés, la moquette est trempée, les murs en moquette sont trempés. Une bonne nuit en préparation!
Il va pleuvoir toute la nuit, en continu. Et il va faire froid aussi, glacial même.
Au matin, il pleut encore.
Nous faisons la route vers Milford Sound en nous répétant que, d’après nos lectures de météo, une éclaircie est possible dans l’après-midi. Quelques arrêts en route permettent de prendre des paysages qui doivent être beaux sans les nuages. La vallée d’Hollyford est invisible.
Les pierres ruissellent. Ce n’est pas inhabituel car la région reçoit 7 mètres de pluie par an.
Un tunnel de plus d’un kilomètre descend fortement et nous mène à travers une haute muraille pour déboucher en haut de la vallée de Milford. On a l’impression de pénétrer dans un autre monde, isolé du reste par cette muraille de pierre. Enfin, pour ce qu'on en voit.
Lorsque nous arrivons à Milford, il y a le bâtiment de départ des bateaux, un parking et un café. Il pleut. Nous faisons l’école pour passer le temps.
Comme nous sommes vraiment arrivés en touristes, nous nous rendons compte sur place qu’il nous sera impossible d’y dormir le soir car le seul lodge du coin est complet. Il nous faut donc soit faire une croisière cet après-midi et repartir ce soir, soit refaire 50 kms jusqu’à un camping et revenir demain pour faire une croisière. Le facteur qui compte, c’est la météo, et les prévisions locales prévoient une éclaircie sur le Sud mais des bruines sur les fjords pour aujourd’hui, et un temps nuageux pour demain, avec des bruines pour les fjords. Nous prenons le pari de réserver une croisière pour 15 heures le jour même. Après négociation, elle ne nous reviendra pas chère du tout.
Vers 14 heures, la couverture grise s’estompe, le premier coin de bleu apparaît. A 15 heures, il fait chaud au soleil. C'est l'éclaircie sur le Sound après 10 jours de pluie!
S’ensuit une majestueuse croisière de 90 minutes sous le soleil, descendant le fjord jusqu’à l’océan. Nous naviguons entre les falaises abruptes creusées par des glaciers vieux d’un million d’années, comme celui du Mt Pembroke, qui trône maintenant à plus de 2000 mètres au-dessus de la vallée qu‘il creusa. Lors de la dernière période glaciaire (il y a 13000 ans), des rivières de glaces de 2000 mètres d’épaisseur, s’étendant jusque l’océan, ont lentement sculpté les montagnes et les vallées alentours. Lorsque la glace a fondu, l’océan a submergé la vallée de Milford, créant le fjord.
Les falaises sont couvertes de végétation et les cascadent abondent. Il pleut tellement ici que les premiers mètres d’eau sont d’eau douce. Tous les débris végétaux qui dévalent des montagnes filtrent la lumière, si bien qu’il fait aussi sombre à 10 mètres dans le fjord qu’à 70 mètres sous la mer. Cela permet à nombre d’animaux vivant normalement dans les fonds marins de se réfugier dans le fjord.
On retrouve aussi nos amis marins.
Le fjord est dominé par le mont Mitre, qui s’élève directement du fond de la mer (le plus haut sommet de ce type au monde).
Ce fjord n’est ni le plus gros ni le plus large, il mesure 16 kms de long et 2kms de large au plus. Son entrée fait 500 mètres de large mais peut facilement être manquée car les rochers la masquent et le fjord est tortueux.
C’est le premier des 14 fjords que l’on peut croiser en faisant route vers le sud par la mer.
Au retour vers le port, le bateau fait un détour proche d’une cascade histoire de mouiller tout le monde. J’y gagne une photo de mini arc-en-ciel et un pantalon trempé.
La route du retour est bien plus jolie sous le soleil évidement et les vallées se découvrent.
Nous croisons le perroquet local, le Kéa, et les Tuis ont repris leur chant.
Nous campons au bord du lac Gunn et la nuit est de nouveau glaciale.
En revanche, au matin, le soleil réchauffe tout le monde, le ciel est bleu et nous faisons une balade après l’école avant de rejoindre Te Anau pour refaire le plein de vivres. En route, nous faisons des photos des montagnes qui se reflètent dans les lacs.
Sur la route, nous croisons les Fourcade qui eux vont profiter de l'éclaircie d'aujourd'hui pour voir Milford.
Il va maintenant falloir jouer avec la météo pour choisir la prochaine étape. Devons-nous aller vers le Sud-est pour rejoindre les Catlins ou faire route vers le Nord-Ouest pour parcourir la célèbre (et pluvieuse) côte Ouest pour rejoindre Abel Tasman au Nord?
Il nous faut aussi prévoir où nous serons pour le réveillon car les campings sont souvent pleins à cette période.
Encore une fois, si on ne se parle pas d'ici là, bonne année 2011 à tous.