Prendre le bus nous permet de traverser la campagne Cambodgienne, la campagne si chère aux khmers, principale source de survie. Les maisons en bois, surélevées, bordent la route tandis que les champs occupent l’espace derrière à perte de vue. Les buffles et les vaches paissent tranquillement ou travaillent aux champs. Cela ressemble beaucoup à la campagne birmane, mais il y a plus de bétail et, chose liée, des tas de foin, de forme conique, qu’on ne trouve pas au Myanmar.
Les villages aussi se ressemblent; il suffit d’ajouter une station service et un village birman se transforme en village cambodgien.
Le voyage en bus n’est pas désagréable. Il est rythmé par les coups de klaxon et les embardées du bus qui vont assez bien avec le rythme de la musique du karaoké folklo cambodgien. Des histoires d’amours qui tournent mal, des retours aux champs de citadins, des histoires d’amours qui tournent bien. Au bout de 6 heures, nous connaissons les refrains, surtout le superbe « Do Ré Mi La Si Do ».
Nous passons au-dessus du canal qui mène au Tonle Sap, le lac majeur du centre du pays, écosystème protégé (!) qui fournit en poisson tout le pays.
Au bout de 6 heures de bus et 15 minutes de tuk-tuk, nous arrivons enfin à notre hôtel. Comme à Bariloche, les Fourcade nous ont précédés de peu et nous profitons de leur repérage. Comme à Bariloche, nous ne sommes pas déçus par le logement: une très grande chambre avec 4 vrais couchages, des vrais volets, une grande piscine et un billard gratuit, le tout dans un hôtel dont l’architecture se veut dans l’esprit des temples locaux et c’est assez réussi.
Comme à Bariloche, les éléments et la maladie vont contrecarrer nos plans, mais ça, on ne peut pas encore le savoir.
Pour commencer, les enfants font ce qu’ils ont à faire: l’école avant de plonger.
Comme l’hôtel possède un bon resto, nous en profitons le premier soir et nous nous couchons tôt.
Le lendemain se produit une chose incroyable: la première grasse matinée du tout du monde! A 8h00, il fait encore noir dans la chambre et Louis se réveille. Nous avons enfin fait une excellente nuit et nous imaginons que ce sera le cas tous les jours. Pauvres cancres qui n’apprennent rien !
Ce dimanche (eh oui, une grasse matinée dominicale dans les règles!) est consacrée au repos. Nous avons le temps donc nous n’allons pas nous jeter sur les temples le premier jour. Ecole, blog, découverte du marché couvert de la ville, piscine. Nous nous réjouissons de ne pas avoir à bouger pendant un moment et nous ralentissons le rythme. Nous chassons les geckos, nous nous faisons manger par les poissons, des super voraces, qui nous arrachent les pieds alors que les poissons thaïlandais nous les caressaient. Pendant ce temps, Virginie tente une pédicure et se retrouve avec les pieds décorés.
En fin d’après-midi, nous réservons un tuk-tuk pour le lendemain matin 6h00 afin de profiter de la journée. Mais dans le tuk-tuk qui nous amène en ville le soir, Louis commence à montrer des signes de fatigue et sa fièvre monte. Il a mal au ventre, il ne mange rien. Le resto est une étape pénible pour tout le monde car il s’écroule littéralement. Malgré mes recommandations, notre tuk-tuk insiste pour passer nous prendre le lendemain à 6h00.
Je fais le premier quart. Je suis sur le pont de 8h00 du soir à 1h30 du matin, aux aguets, surveillant Louis, assis sur son lit avec une poubelle à la main au cas où, lui donnant un médicament à minuit. Puis c’est Virginie qui fait le quart de 1h30 à 7h00. A 6h00, je sors prévenir notre tuk-tuk qu’il a sa journée et qu’on se verra en ville plus tard.
Dure journée de veille de malade, il faut occuper Théo (merci Harry Potter) et nous sommes en petite forme. Le soir, Louis a l’air d’aller mieux et nous recroisons notre tuk-tuk driver pour convenir du rendez-vous. 6h15 pour se faire plaisir.
Le mardi matin à 6h00, Louis a du mal à se réveiller mais sa température est assez basse. Nous partons donc (avec une demi-heure de retard car l’hôtel n’a pas réussi à nous préparer le petit déjeuner dans les temps) pour la zone des temples. Nous allons emprunter le traditionnel petit circuit pour commencer. Nous arrivons en même temps que nombre bus de coréens et japonais au guichet d’achat des billets. Tout ce petit monde va filer voir Angkor Vat donc nous partons pour faire le circuit à l’envers.
Le temps est couvert, ce qui n’est pas bon pour les photos mais nous assurera de ne pas souffrir trop vite de la chaleur.
Dès l’arrivée au monastère de Banteay Kdei, les enfants partent en courant, filant à travers les couloirs, enjambant les ruines, cherchant des passages secrets, jouant à chat en criant.
Nous avons toutes les peines du monde à les retrouver et à les faire poser.
Quand il faut partir, ce n’est pas du gout de tout le monde.
Louis est en sueur mais pour une fois ce n’est pas la fièvre.
Le temple suivant est le très connu Ta Prom. Très connu car il a été en partie laissé à la merci de la nature. Contrairement à de nombreux temples où la végétation a été éliminée et maîtrisée, ici les fromagers sont encore en place et leurs racines enserrent les temples. Le temple est en grande partie en restauration et malgré sa grande taille, une toute petite zone est visible. Il y en a quand même assez pour courir.
L’heure avançant, la chaleur monte et les forces des enfants diminuent. D’autant que le temple suivant, le Ta Keo, est un temple vertical très raide. Malgré tout, ils montent comme des cabris et tournent autour comme des toupies.
Admirez la pédicure! C'est pas classe ça en jungle?!
Puis c’est le Thommanon et ses beaux bas-reliefs. Le Chau Say Tevoda se fait au pas de charge!
Nous pénétrons ensuite dans l’ancienne cité Angkor Thom, une grande enceinte carrée de plus 2 kms de large, avec en son centre le célèbre Bayon. Avant de visiter le clou de la mâtinée, nous faisons une pause à la terrasse des rois lépreux (magnifiques frises) pour manger un petit apéro et boire. Difficile à faire dans la nuée des rabatteurs de restaurants et autres vendeurs de souvenirs. Nous nous éloignons donc un peu vers le Prea Palilay, qui est désert.
Nous aurions aimé apprécier le Baphuon dans toute sa splendeur mais ce temple gigantesque est en réfection (pour longtemps tant la tâche est ardue). C’est un temple de 3 étages dont la tour principale a été déconstruite au XVème siècle pour construire un bouddha couché de 70 m sur le flanc ouest du temple. Difficile de cerner ce monument couvert de bâches et d’échafaudages. Tant pis.
Empruntant la terrasse des éléphants, nous descendons vers le Bayon dont les tours étaient, à l’époque, recouvertes d’or.
Mais au fait, je ne vous ai pas encore parlé des rois khmers et de tous ces temples, et du brahmanisme et du bouddhisme, et tout et tout!
À ce jour, les plus anciennes traces des origines de l’empire ont été découvertes sur le site du temple de Sdok Kok Thom, dans la province thaïlandaise de Sa Kaeo. Une stèle, datée de 1053, énonce la chronologie des anciens souverains khmers, depuis l'accession au trône de Jayavarman II en 802 de notre ère. Jayavarman II prit en 790 la tête d’un royaume que les Khmers appelaient « Kambuja ». Dans les années qui suivirent, il étendit encore son territoire et établit une nouvelle capitale à Hariharalaya, près de l’actuelle commune cambodgienne de Roluos. En 802 il s’autoproclama chakravartin (« roi des rois ») dans un rituel d’inspiration hindouiste. Il ne devint ainsi pas seulement un souverain incontesté de droit divin, mais il marquait aussi l’indépendance de son royaume. Désormais, le roi est la représentation de Shiva, un des dieux de la trinité brahmaniste (Brahma, Vishnu, Shiva). Le souverain doit être adoré comme une divinité, avec des rites formels.
Les successeurs de Jayavarman II poursuivirent le développement du royaume de Kambuja. Indravarman Ier (qui régna de 877 à 889) arriva à étendre le pays sans guerre et débuta une politique de construction massive pour remercier les dieux d’avoir apporté à l’empire la prospérité du commerce et de l’agriculture.
Au gré des rois, le royaume passe par des périodes de paix et de construction grandiose, étendant son essor culturel par l’attraction de lettrés à la cour et par des phases de décrépitude qui ouvrent la porte aux voisins.
La fin du XIème siècle fut une nouvelle période de conflits et de luttes de pouvoir sanglantes qui ne s’achevèrent que sous Suryavarman II, au pouvoir de 1113 à 1150 et qui parvint à unifier son royaume en interne. La construction du temple d’Angkor Vat, dédié au dieu Vishnou prit 37 années. Dans le même temps, l’empire s’agrandit, à l’ouest en intégrant l’état Môn d'Hariphunchai (dans le nord de l'actuelle Thaïlande) et certaines zones frontalières du royaume de Bagan, à l’est en annexant plusieurs provinces du Champa, au sud en investissant la péninsule malaise jusqu’au royaume de Grahi (correspondant à peu près à l’actuelle province thaïlandaise de Nakhon Si Thammarat, au sud de Surat Thani, port d‘embarquement pour Kho Samui) et enfin au nord en poussant jusqu’au sud du Laos contemporain. Faut suivre!
Une nouvelle période de troubles suit la mort de Suryavarman II, où les règnes sont brefs et les souverains déposés par leurs successeurs. Finalement le Kambuja sera défait en 1177 par l’armée Cham lors d’une bataille navale sur le lac Tonlé Sap, et deviendra une province du Champa.
Fils de l’ancien roi Dharanindra Varman II, le futur Jayavarman VII qui régna de 1181 à 1219 était un prince à la tête d’un fief proche de Kampong Svay (dans l’actuelle province de Kampong Thom) ; Yaçovarman II l’envoya au Champa en tant que chargé militaire et il y était lorsque le souverain khmer se fit déposer par Tribhuvanâditya-Varman et il ne retourna que bien plus tard dans sa principauté. En 1177, après la prise d’Angkor par les Chams, il réussit à réunir une armée et à reconquérir la capitale. Il accéda au trône et continua la guerre contre ses voisins de l’Est jusqu’en 1203 et la défaite du royaume du Champâ qui dut céder une partie importante de son territoire.
Mais si Jayavarman VII est connu comme le dernier grand roi d’Angkor, c’est surtout pour les grands travaux réalisés durant son règne, notamment la nouvelle capitale, baptisée Angkor Thom qu’il a créée.
Des recherches récentes ont révélé qu’Angkor Thom – dont la population était estimée à un million d’habitants - était étendu sur plus de 1 000 kilomètres carré ce qui en fait le centre urbain connu le plus vaste du monde préindustriel. Même en tuk-tuk, ça aurait été long à faire.
Au centre, le roi, adepte du bouddhisme mahayana, construit le Bayon, avec ses tours de pierre symbolisant des visages monumentaux du Bodhisattva Avalokitesvara. D’autres temples importants datent de la même époque, tels Ta Prohm, Banteay Kdei ou Neak Pean, ainsi que le réservoir de Srah Srang, que nous avons visité tôt le matin, qui sert aux ablutions du roi (petite baignoire de quelques centaines de mètres).
À la mort de Jayavarman VII en 1219, son fils Indravarman II monte sur le trône et règne jusqu’en 1243. Bouddhiste comme son père, il achèvera la construction de plusieurs temples. En tant que chef de guerre, il sera moins heureux et, en 1220, sous la pression conjuguée du Ðai Viet et des ses alliés chams, l’empire doit restituer la plupart des territoires précédemment conquis au détriment du Champa. À l’ouest, les sujets thaïs se rebellent, fondent le premier Royaume de Sukhothaï et chassent les Khmers. Dans les 200 ans qui suivent, les Thaïs devinrent les principaux rivaux du Kambuja.
Jayavarman VIII succède en 1243 à Indravarman II. Contrairement à ses prédécesseurs, il est adepte de Shiva et impose un retour à l’ancienne religion de l’empire. Il converti de nombreux temples bouddhistes en sanctuaires hindouistes. Sur le plan extérieur, le pays est menacé en 1283 par les armées mongoles de Kubilai Khan qui dirigeait alors la Chine. Le roi évita la guerre avec son puissant voisin en acceptant de s’acquitter d’un tribut annuel. Les rois de Bagan, au même moment, ne prennent pas cette option et se font balayer par les Mongols. C’est la fin de Bagan, peu avant celle d‘Angkor. Le règne de Jayavarman VIII prend fin en 1295, quand il est déposé par son gendre Indravarman III qui conservera le trône jusqu’en 1309. Le nouveau roi est un fidèle du bouddhisme theravada, introduit depuis Sri Lanka et qui s’imposera rapidement dans toute la région.
Peu de données sont disponibles de nos jours sur la période qui suivit le règne d’Indravarman III. La dernière inscription connue se trouve sur un pilier et date de 1327. Plus aucune construction monumentale ne fut entreprise. Certains historiens pensent que ceci est lié au fait que les rois avaient adopté le Bouddhisme theravada et n’étant plus considérés comme « rois des rois », il n’était plus nécessaire d’ériger des temples monumentaux à leur gloire ou à celle des dieux qui étaient sensés les protéger. Le recul du concept de dieu-roi a aussi dû conduire à un affaiblissement de l’autorité du souverain et à un manque de travailleurs prêts à se dévouer pour sa cause. L’entretien du système hydraulique a lui aussi dû s’étioler et les récoltes semblent avoir été contrariées par les inondations et les sècheresses. Ces problèmes sont très certainement une des principales cause du déclin de l’empire, alors que du temps de sa splendeur, les trois récoltes annuelles ont largement contribué à sa prospérité et à sa puissance.
À l’ouest, le Royaume d'Ayutthaya conquiert en 1350 celui de Sukhothaï qui venait de s’affranchir de la tutelle khmère, puis lance plusieurs attaques contre l’empire khmer. Angkor aurait été soumis avant que l’armée siamoise ne mette au pouvoir des nobles locaux acquis à sa cause et ne se retire. À partir de ce moment, peu d’éléments sur l’histoire d’Angkor sont parvenus jusqu’à nous.
La chute finale d’Angkor est probablement due aussi à la perte progressive de son importance économique et politique au profit de Phnom Penh qui, outre son éloignement relatif des envahisseurs siamois, a su profiter de sa position sur le Mékong pour devenir un important centre de commerce. Enfin, les projets pharaoniques de constructions et les luttes de pouvoir au sein de la famille royale ont scellé le sort de l’empire khmer.
Après, c’est le règne de la jungle, l’oubli partiel et la redécouverte vers 1861, au début de la conquête de la Cochinchine par la France, par le naturaliste Henri Mouhot.
Voilà, voilà, ça c’est fait, et c’était presque moins long que pour les Barma du Myanmar. Vous pouvez revenir devant votre écran pour reprendre la lecture.
Bon, je disais qu’il était temps d’attaquer le Bayon, bijou d’Angkor Thom à l’époque, des tours couvertes d‘or, des visages vous observant où que vous vous placiez. Aujourd’hui, de loin, on dirait un gros tas de cailloux, des ruines sans formes. Ce n’est pas complètement faux du reste. Mais en s’approchant, on découvre que le tas de cailloux est assez harmonieux, que les tours portent encore les vestiges de ces visages souriants.
Le temple est encore un trésor de couloirs, de passages voutés, de culs de sac, d’escaliers sombres, de plates-formes d’observation, qui en font un lieu très intéressant. Plus on monte, plus le décor prend forme.
Il est déjà 13h00 et les forces s’amenuisent rapidement. Il est temps de rentrer, d’abréger la visite que nous reprendrons demain. Pas d’Angkor Vat aujourd’hui.
Après un retour en ville pour déjeuner rapidement, nous abattons l’école, puis un dessin animé pour éviter d’aller à la piscine.
Louis a beaucoup donné et il est crevé.
Le lendemain matin, départ à 7h00 pour le grand circuit. Louis n’est pas au mieux mais nous tentons le coup.
Le grand circuit doit nous emmener un peu plus loin, autour de la zone principale, mais nous commençons par Angkor Vat. Là encore, il faut malheureusement se pencher dangereusement pour prendre une photo qui ne soit pas envahie par les bâches de rénovation. Toute la partie sud est fermée. Finalement, je ne vais pas y arriver donc il faudra zoomer sur le T-shirt des enfants.
Tiens, Louis a encore perdu une dent.
Angkor Vat, c'est 3 étages, 3 terrasses, et autant (x4 pour faire le tour) de couloirs d'enceintes ornés de fresques parfois sauvegardées. Le dernier étage est malheureusement fermé aux enfants car l'escalier est jugé trop raide. On peut y découvrir des vestiges de la fusion des religions, nés lorsque le bouddhisme a supplanté l'hindouisme, comme ce bouddha assis sur le Naja (serpent à 5 têtes).
Il nous faut des heures pour tourner partout, admirer les Apsaras, ces danseuses célestes, faire le tour des fresques et de l'histoire khmère par là-même.
Lorsque nous sortons, le soleil brille haut, la nature alentours prend de belles couleurs vertes.
Malheureusement, nous avons été trop présomptueux et Louis ne tient pas la route. Il est déjà épuisé, de grosses cernes et un mal de tête compromettent la suite de la visite.
Nous nous arrêtons au premier temple du grand circuit, le Preah Khan, mais Louis n'a pas le courage de nous suivre. C'est un grand monastère comme il les aime, avec des coins en ruine, des racines qui poussent sur les toits, qui enserrent les bâtiments, des couloirs qui n'en finissent pas.
De nombreux trous dans les murs attestent qu'à l'époque, tous étaient recouverts de plâtres décorés. Aujourd'hui, ils paraissent bizarres et nous nous sommes longtemps posés la question de leur usage.
Louis ne descend pas pour la visite du temple suivant; Virginie non plus d'ailleurs, qui reste avec lui. La motivation baisse pour continuer avec Théo et bientôt nous finissons la grande boucle en tuk-tuk sans plus nous arrêter, en visitant les temples de l'extérieur à 30 km/h. C'est honteux mais c'est comme ça!
Nous filons en ville pour manger puis nous rentrons coucher Louis.
En fin d'après-midi, comme Louis dort, je sors avec Théo pour trouver un spectacle de danse traditionnelle. Nous avions repéré celui donné par une association caritative mais le show de ce soir est annulé (manque de touristes!) alors nous nous rabattons sur un autre, bien touristique celui-là, dans une énorme salle où des groupes jettent un oeil distrait sur la scène tandis qu'ils profitent du buffet à volonté.
Malgré mes craintes, le spectacle n'est pas mauvais et Théo l'apprécie beaucoup, plus que le repas.
Il apprend petit à petit les codes de ces danses, les petits mouvements de torsion des pieds, les figures imposées genou levé, les positions des mains, les balancements d'épaules, etc.
Le jeudi, Louis va un peu mieux mais c'est la pluie qui prend le relais pour nous bloquer dans la chambre. Une pluie intense qui commence la nuit et dure toute la journée.
Les insectes sortent, eux. Suivis de près par les geckos. Autant vous dire que les geckos d'ici n'ont rien à voir avec les geckos de Siem Reap qu'ils pourraient avaler sans s'en rendre compte. Ce sont des geckos Tokai de 30 cm et lorsqu'ils aboient (c'est comme cela qu'on dit), on entend bien le cri "Gek-ho". Ce sont des hurlements au-dessus de notre porte et nous vérifions bien que la porte est fermée à clé.
Les gars de l'hôtel essayent régulièrement de les chasser, avec un bâton et un collet. Le gecko tokai a une morsure puissante et il faut s'en méfier. Nous avons croisé 2 de ces chasseurs dans les couloirs, dont un, tout gentil, avec un sourire sympa. On ne l'a jamais revu!
En fin d'après-midi, n'y tenant plus, je tente une sortie de la chambre pour aller me faire masser en ville et me détendre. Après quelques tours et détours dans des ruelles, je trouve finalement une petite cahute de massage par des aveugles. Il y a là un aveugle et sa famille, des petites filles qui jouent par terre, et quelques matelas de massage.
Me voilà parti pour une heure. Je vous épargne le récit comme j'aurais voulu qu'il m'épargne l'expérience! Aveugle pas sourd à mes cris de douleurs, il me consolera de temps en temps en rigolant. La plupart des aveugles ici ont été formés au massage dit Amma ou Anma, une technique sino-japonaise, axée sur le rééquilibrage du yin et du yang. Il permet de débloquer les énergies et de garder la santé de l'organisme en agissant sur quelque 140 points situés sur les méridiens, les muscles et les articulations. En Thaïlande, les masseuses trituraient les muscles, ici, il écrase les principales artères et effectue des pressions intenables (dans l'ordre de mon top 5 des intenables) sur les omoplates, sur le crane, dans la nuque, sur les lombaires, sur le haut des cuisses, mais aussi partout ailleurs.
Lorsque le masseur s'est arrêté, une fatigue incroyable m'est tombée dessus! J'ai failli m'endormir dans le tuk-tuk de retour et la fatigue a survécu à la nuit, m'a tenu toute la journée suivante et a commencé à disparaître le samedi. Un massage plutôt efficace côté relaxation.
Je n'ai pas pu aller me coucher tout de suite car Louis se sentait assez bien pour aller manger en ville et voir un spectacle de danse. Alors rebelote! Une scène moins élaborée mais les mêmes types de danse (pécheurs, noix de coco, apsara, etc) et quelques danseuses plutôt gracieuses. Louis a beaucoup aimé.
Le vendredi, comme Louis a encore un peu de fièvre, nous allons faire des analyses dans une clinique privée. Il y a ici une épidémie de dengue hémorragique et nous nous sentons ridicules de prendre autant de précautions pour une probable gastro, mais bon. Qu'est ce que 100 dollars pour la santé d'un enfant? De l'escroquerie! Voilà ce que c'est!
Puisque nous avons échappé à la pluie pour aller en ville, nous nous rendons dans un atelier d'artisanat observer la taille de la pierre, la sculpture sur bois, le laquage, la peinture sur soie. Toutes ces techniques sont enseignées à des villageois pour leur donner un métier rentable et perpétuer la tradition.
Puis c'est la pluie qui revient et nous ramène vers l'hôtel.
En passant, nous voyons un accident de la route. C'est le premier que nous voyons et honnêtement, nous sommes étonnés de ne pas en avoir vus beaucoup d'autres étant donné les habitudes de conduite locales.
Il est temps de quitter Siem Reap, ville de repos assez agréable bien qu'hyper touristique. Plus de restaurants que nous ne pourrons jamais tester, des constructions d'hôtels immenses en préparation, plus de tuk-tuks dans la ville que de touristes dans tout le Cambodge. Angkor est le site principal de tourisme et le gouvernement l'investit à fond. La ville se prépare à une nouvelle augmentation du tourisme de masse asiatique. Les travaux de restauration des sites sont pharaoniques et le temps s'écoule lentement. Je me demande si on pourra un jour voir un de ces temples tel qu'il était il y a 1000 ans. On ne peut s'empêcher de comparer le site à celui de Bagan qui vécut son heure de gloire à la même époque et qui est bien mieux conservé: nature moins envahissante, site jamais délaissé, bâtiments reconstruits dès les guerres ou tremblements de terre finis. Cette décrépitude et la jungle envahissante font néanmoins partie intégrante du charme d'Angkor.
Malgré la fatigue, nous ne nous sommes jamais lassés des visites. Il faut dire qu'en 7 jours sur place, nous n'avons pu visiter que 2 petits jours! C'est un peu juste. J'ai un regret, c'est que Virginie n'était pas habillée comme Lara Croft pour les visites.
Comme à Bariloche, nous nous consolons en nous disant que nous n'avons pas profité pleinement de l'endroit mais que nous avons eu la chance de pouvoir patienter pendant la maladie de Louis dans un endroit confortable et agréable.
Allez! C'est reparti pour 6 heures de bus. Mais avant, il y a l'épreuve du pick-up. Un gars vient nous chercher à l'hôtel avec 30 minutes de retard, et pour se rattraper, il va aussi aller chercher tous ceux qui doivent prendre un autre bus. Résultat, il pousse et force pour faire rentrer 28 touristes et leurs grosses valises dans un bus de 20 places. Qu'est-ce qu'on rigole!
Ensuite, c'est le même chemin pour se rendre à Phnom Penh, les mêmes chansons de karaoké. Le bus pousse à la réflexion intense et je vous livre 2 de mes pensées les plus profondes de la semaine. Attention, c'est du lourd!
D'abord, je crois, et après validation avec mes coéquipiers je confirme, que les tuk-tuks cambodgiens sont les meilleurs. ils sont plus grands que les tuk-tuks thaïlandais, plus confortables et pratiques que les Blue Taxis (l'équivalent) birmans et au Vietnam, je crois qu'il n'y en a pas. Le seul problème, c'est qu'il y en a trop et que faire 20 mètres dans la rue oblige à dire "non merci" en continu; c'est lassant.
Ensuite, et cette pensée fugace m'est venue en regardant un karaoké, je crois que les cambodgiennes ont une plus forte poitrine que leurs voisines (birmanes, thaïlandaises). J'en ai discuté avec Virginie et il se trouve que le livre qu'elle lit en ce moment indique qu'elles auraient la poitrine la plus généreuse de la région, incluant, en plus des pays déjà visités, le Laos, le Vietnam et la Chine. Je vérifierai au Vietnam et en Chine bien sûr mais je suis content que la littérature vienne appuyer mes hypothèses empiriques. Il n'y a qu'à regarder les Asparas sculptées plus haut pour se faire une idée. D'ailleurs, cela a été ma seule source d'observation! C'est intéressant comme note ethnologique, cela donne un peu de contenu au récit qui sinon serait un peu trop archéologique. La vraie question qui reste est: "mais que lit donc Virginie?!"