Dimanche matin 7h, soleil radieux, parfait pour une attaque surprise de la muraille; les Chinois ne pourront pas résister, l’armée Mongole se met en route. Comptant sur la bravoure de Théo Khan et Louis Khan, l’armée va défier la loi du nombre (moi, je vous le dis, trop de dessins animés peuvent abimer la jeunesse. Il ne faut pas regarder Mulan trop souvent).
Notre voiture nous attend, et notre guide aussi. Nous faisons la route en discutant. Elle a suivi son mari aux USA pour un PHD de chimie et est revenu depuis 2 ans en Chine donc la discussion est intéressante. Son opinion sur les politiques d’emploi, d’aménagement du territoire, … sont assez réactionnaires. Quoi que, si cela se trouve, tous les Chinois pensent la même chose mais celle-là parle bien anglais et peut me le dire. En tous cas, il lui faut cumuler plusieurs petits boulots pour survivre et guide, cela lui fait voir la campagne.
Notre package, pour assurer un prix bas, compte des arrêts dans des business à touristes, histoire de partager des commissions. Notre premier arrêt, pas loin de la muraille, est pour une fabrique de poteries. C’est un arrêt rapide et assez intéressant qui nous permet de voir la fabrication de ces poteries en cuivre (je pensais qu’elles étaient toutes en porcelaine, ignare que j’étais).
Ils font aussi des tableaux de la même manière (cuivre sculpté, peint puis doré) qui sont superbes. Mais malgré le bas coût de la main d’œuvre, les prix sont prohibitifs.
Quelques kilomètres plus loin, Louis aperçoit la muraille. Cela commence à trépigner dans la voiture, les manœuvres d’approche ont commencé, l’opération « Dragon de Beijing » est sur le point d’aboutir.
Nous prenons d’abord un téléphérique pour atteindre plus vite la muraille. Ben oui, le mur n’est pas dans la plaine mais sur la crête de la montagne et cela fait une petite trotte. J’espère qu’il y était au moment de la construction de la muraille sinon ils ont dû galérer pour monter toutes les pierres!
Du téléphérique, on aperçoit le mur qui serpente à perte de vue.
En fait, il y a 2 téléphériques sur ce bout de mur. Un qui t’emmène sur la partie haute du tronçon, à la tour de guet 14, un autre qui te pose à la partie basse du tronçon, à la tour 6. La logique aurait voulu que nous prenions le téléphérique qui arrive en haut pour descendre le long de la muraille. Mais la souffrance aiguise les sens et une marche trop facile sur la muraille aurait pu donner une impression erronée de la vie sur la muraille pour les soldats. Et puis on n’a pas eu le choix puisque notre guide nous a collé dans le téléphérique sans nous en parler! Dès que t’as un guide, tu deviens une valise!
Nous avons donc fait le trajet qui monte de la tour 6 jusqu’à la tour 14, puis le retour (oui, de la tour 14 à la tour 6), pris le déjeuner, puis j’ai fait l’aller-retour tout seul de la tour 6 à la tour 1 et même au-delà, sur le tronçon où il est marqué « touristes interdits, interdiction d’entrée ».
Là, c’est la photo avant la marche, au moment où nous sommes pimpants.
Il n’y a pas de photo après la marche, au moment où la langue est accrochée à la tour 12 quand les pieds sont déjà arrivés à la tour 6.
Au début, Louis courait (dans la descente) pour arriver le premier aux tours de guet, monter sur la plateforme et faire des coucous.
Puis quand nous avons vu la descente et la longue montée à venir pour aller tout au fond, le rythme a sagement ralenti.
En passant, nous avons pu admirer, sur la montagne d’en face, les restes d’un mur construit avant cette version de la muraille.
Parce qu’il n’y a pas qu’une muraille, il y en a eu plusieurs, qui ont pris des chemins différents, qui se sont construites les unes sur les autres ou qui se sont renforcées. La première a été construite en une quinzaine d’année par le premier empereur de la dynastie Qin. Pour se faire la main avant de se lancer dans la construction de son mausolée à Xi’an, il a terrassé une partie de son peuple dans la construction de la première muraille de Chine en un temps record. En briques, elle n’a pas complètement traversé les 2000 ans qui nous séparent mais elle a longtemps protégé l’empire et les marchands qui suivaient son tracé le long de la route de la soie, à l’abri des barbares du Nord. Les Hans ont ensuite construit d'autres bouts, puis les Ming ont réinvesti beaucoup de vies humaines pour reconstruire une muraille plus solide.
Le tronçon sur lequel nous sommes (Mutyaniu) a été construit par la dynastie Ming au XVième siècle et rénové il y a une centaine d’année à l’émergence des temps modernes chinois (l’arrivée du communisme).
Bon, comme nous sommes sur le mur, on va dire qu’on change les rôles. Pouce! Nous on est les Chinois et on repousse les Huns ou les Mongols.
On attaquera la muraille sur la partie qui descend parce que là, en montée, cela paraît trop difficile.
Cela monte et cela ne s’arrête pas.
Bon, certains font quand même des pauses pour regarder de près les détails de la construction. C’est de la belle ouvrage, il faut le temps de bien tout voir!
Quand nous arrivons enfin à la tour 14, il reste le chemin du retour et cela ne s'annonce pas beaucoup plus facile avec ces petites marches penchées. Je suis curieux de savoir comment ils organisaient les rondes à l'époque. Nous sommes remplis d'admiration pour ces guerriers qui défendaient le royaume. Personnellement, si quelqu'un avait attaqué au niveau d'une tour éloignée de plus de 2 tours de la mienne, je lui aurais crié d'y aller tranquille, je n'aurais pas bougé!
A mi-chemin, nous nous retournons et apercevons un début de foule d'envahisseurs. Nous sommes vaincus physiquement et nous préférons la fuite vers notre tour de base.
Le pique-nique façon Amérique du Sud (sandwich jambon-fromage, chips, pomme) fait des miracles. Cela me donne assez de courage pour entreprendre le tronçon T6 - T1.
Pourtant, de loin, cela a l'air très pentu et les marches sont toutes bizarres. De près, c'est pire, c'est vraiment raide mais je monte les marches 2 par 2 histoire de montrer aux Chinois que je suis vraiment cool. En haut, je coule littéralement.
Bon, la montée vaut quand même le coup car on peut accéder à une partie non restaurée et voir d'autres tronçons du mur qui continuent vers l'Est, là encore à perte de vue. On arrive en fait à un croisement de 2 tronçons et l'un des deux a été laissé à la végétation.
Les parties non restaurées du mur ont vraiment souffert et les travaux pour les remettre à niveau seraient vraiment très importants. C'est moins imposant que la partie restaurée mais cela la met bien en valeur.
Plus loin le mur défile et défile et défile ...
En me retournant, je contemple le bout de muraille que nous avons presqu'attaqué, puis presque défendu, et que nous avons parcouru 2 fois, donc que nous avons au moins patrouillé honorablement. L'honneur est sauf.
Cependant, il se fait tard et les brumes commencent à monter donc je me dépêche de rentrer au camp de base pour la suite des aventures.
Car ce n'est pas fini, il nous reste la descente en luge! Oui, c'est une autre chose qu'ils avaient construite à l'époque pour accélérer la transmission des informations: la luge d'été pour descendre dans la plaine.
Je monte avec Louis et nous essayons de pousser Theo et Virginie dans la version bobsleigh fou.
C'est très marrant, bien trop court et bien sûr honteux de faire de la luge sur la muraille!
Nous reprenons le bus, lessivés, pressés de rentrer chez nous mais il faut encore faire un arrêt à la fabrique de soie et à la fabrique de perles. Même si nous les faisons à 100 à l'heure, elles sont quand même (en cherchant bien) intéressantes. Nous suivons le cycle du ver à soie et nous étendons nous-mêmes des cocons pour en faire des couettes bien chaudes. Nous ouvrons des huitres d'eau douce pour chercher les perles, et nous filons.
A la maison, c'est le moment de refaire les bagages (c'est pas le plus facile quand on s'est installé pour une semaine). Nous nous couchons tôt pour récupérer et affronter le trajet Beijing - Hong Kong - Surabaya de demain.
Nous n'avons rien préparé pour l'Indonésie donc les heures d'avion vont être mises à profit.
Le lendemain matin, nous courons dans l'aéroport pour essayer de voir les Milcent qui embarque pour le Japon mais nous arrivons trop tard. Si cela se trouve, ce n'est même pas leur avion que nous prenons en photo!
En tous cas, bon voyage les Milcent! Il nous a fallu 10 mois pour enfin se croiser et cela a été très agréable!
Bon, le trajet en avion ne se passe pas du tout comme prévu car au lieu de lire les guides, nous avalons films sur films à en avoir les yeux rouges!
A la descente à Surabaya, le pilote veut être gentil avec les enfants et il les invite à voir la cabine de pilotage. Un grand blond Australien super baraqué, pas habitué aux enfants même s'il doit en avoir plusieurs à chaque escale. Louis se précipite et s'assoit avant que le gars n'ait fini sa phrase. Je n'ai pas le temps de dire "pas touche" qu'il a déjà saisi le manche à balai et fait des "Ouinnnnnns, Ouinnnnns" comme Russel dans "Là-haut" aux manettes de la maison de Mr Fredericksen (de belles références cinématographiques quand même!).
Le pilote est effaré et je le préviens qu'à moins qu'il n'étrangle tout de suite mon fils, celui-ci va remettre les gaz. Je sens le doute dans son regard.
Pas d'autres incidents notables, nous passons la douane et sommes en Indonésie. Il fait 32°C, il est 20 heures. Il faut aller en ville et se coucher; demain nous sommes sensés bouger pour nous rapprocher des volcans.